AU CAMEROUN, PASSE D’ARMES ENTRE L’ÉGLISE ET LE GOUVERNEMENT

Alors que des prélats catholiques ont dit souhaiter que la présidentielle d’octobre permette l’alternance, le ministre de l’Administration territoriale vient de rencontrer le nonce apostolique.

Ce 8 janvier, la rencontre entre le ministre camerounais de l’Administration territoriale et le nonce apostolique tenait-elle de la convocation chez le proviseur ? Ou de l’échange cordial pour marquer le début de la nouvelle année ? Alors que la prochaine élection présidentielle doit se dérouler en octobre au Cameroun, les analystes politiques ne peuvent s’empêcher d’établir un lien entre ce face-à-face et les récentes déclarations de prélats catholiques sur la perspective d’une nouvelle candidature de Paul Biya.

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Le ministre Paul Atanga Nji a certes déployé un ton très diplomatique à l’égard de Mgr José Avelino Bettencourt, représentant local du pape François. À l’en croire, les relations entre Yaoundé et le Vatican seraient « excellentes ». Une affirmation en droite ligne avec le communiqué publié la veille par le porte-parole du gouvernement, René-Emmanuel Sadi, qui affirmait qu’il n’existait « aucun conflit entre le gouvernement et les confessions religieuses ».

Ces évidences énoncées par deux piliers du gouvernement relèveraient-elles de la méthode Coué ? En effet, plusieurs figures de l’Église catholique camerounaise se sont émues à voix haute de l’éventualité d’une nouvelle candidature de l’actuel chef de l’État. Lequel vient d’affirmer, à 93 ans et après plus de quatre décennies de pouvoir, sa détermination intacte à continuer à servir son pays.

Dans une homélie de Nouvel an devenue virale, l’évêque du diocèse de Yagoua, Monseigneur Yaouda Hourgo, a réagi en termes plutôt lapidaires : « On ne va pas souffrir plus que ça, le pire ne viendra pas, même le diable qu’il prenne d’abord le pouvoir et on verra après. » Dans une autre vidéo datée du 1er janvier, c’est l’évêque de Ngaoundéré, Mgr Emmanuel Abbo, qui a renchéri : « La plus grande des souffrances est qu’on interdit aux Camerounais d’exprimer leurs souffrances en leur promettant que l’État est un rouleau compresseur, un mixeur qui réduira en pâte tout Camerounais qui osera exprimer sa souffrance. » À mots plus ou moins couverts, d’autres prélats embouchent la même trompette et chacun attend la déclaration qui clôturera, le 11 janvier, le séminaire des évêques du Cameroun qui se tient actuellement à Buea.

Guerre des nerfs

Si Paul Atanga Nji et René-Emmanuel Sadi assurent qu’il n’y a aucune tension, leur collègue ministre du Travail, Grégoire Owona, est tout de même sorti du bois pour appeler à la « sérénité ». Et comme si le gouvernement tout entier était focalisé sur ce sujet, le ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Jean de Dieu Momo, a embrayé en dénonçant « une exagération blasphématoire, attentatoire aux fondements bibliques » dans une lettre ouverte aux prélats.

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Si les religieux catholiques sont entrés dans la danse de la fronde (tradition plus répandue en Afrique centrale que partout ailleurs), c’est sans doute parce qu’il y a quelques mois, le même ministre de l’Administration territoriale avait affirmé, sur un ton moins conciliant, qu’il détenait des « éléments » qui pourraient indisposer certaines associations religieuses. Il leur reprochait d’être des « fauteurs de troubles » qui « jettent de l’huile sur le feu ».

2025-01-10T13:35:15Z