ROUTE MIGRATOIRE ALGéRIENNE : FUITE EN AVANT D'UNE JEUNESSE BLASéE

Alors que les projecteurs sont souvent braqués sur les vagues migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne vers les îles Canaries, une autre route migratoire, tout aussi inquiétante, continue de croître dans l’ombre : la route algérienne.

En 2023, plus de 10 000 Algériens ont emprunté cette voie pour rejoindre l’Espagne. En 2024, jusqu’à la fin du mois d’août, près de 8 000 personnes ont déjà tenté l’aventure. Chaque semaine, des centaines de jeunes, d’enfants et de familles fuient le désespoir dans de petites embarcations appelées « pateras », espérant trouver un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée.

Hirak : l’effondrement des espoirs

La route algérienne a connu une explosion de départs après la fin du mouvement du Hirak, une série de manifestations massives qui avaient suscité l’espoir de réformes profondes dans le pays. Mais, l’autoritarisme du régime a rapidement repris le dessus, laissant la jeunesse algérienne désemparée face à un avenir incertain. Privée de perspectives économiques et politiques, cette génération a été conduite à chercher l’exil, parfois au péril de sa vie.

La route migratoire part principalement des villes côtières d’Alger, Oran, Mostaganem et Chlef. Les candidats à l’exil déboursent de 2 000 à 4 000 euros pour une traversée périlleuse sur des “pateras“, de petites embarcations en fibre de verre équipées de moteurs souvent défaillants. Capables de transporter dix personnes, elles sont souvent surchargées, portant jusqu’à vingt passagers, ce qui augmente considérablement les risques de naufrage.

Montée en puissance de la route algérienne

Bien que cette route migratoire existe depuis 2006, elle a connu une montée en puissance spectaculaire ces dernières années. Alors que les contrôles se renforcent au niveau des départs depuis le Maroc vers l’Espagne via le détroit de Gibraltar, les autorités peinent à contenir l’afflux de migrants sur les côtes algériennes. Moins surveillée que la route marocaine, la « route algérienne » est devenue une échappatoire pour des milliers d’Algériens en quête d’une vie meilleure.

Les destinations privilégiées des migrants sont la côte est de l’Espagne, notamment Almería, Murcie, Alicante, ou encore les îles Baléares comme Ibiza. L’absence d’accord de rapatriement entre l’Algérie et l’Espagne signifie que beaucoup de ces migrants, une fois arrivés sur le sol espagnol, finissent par rejoindre la France, créant une chaîne migratoire qui alimente un exil continu.

Une route dangereuse et meurtrière

Malgré le coût exorbitant des traversées, la route algérienne reste l’une des plus dangereuses en Méditerranée. Chaque année, des centaines de migrants perdent la vie en mer. En 2023, on estime à 500 le nombre de personnes mortes ou portées disparues lors de tentatives de traversée.

Les moteurs cassés, les tempêtes et les naufrages sont autant de périls qui jalonnent le parcours des harragas. Pour chaque patera interceptée par les garde-côtes espagnols, une autre parvient à atteindre les côtes sans être détectée. Cette situation alarmante ne semble cependant pas décourager les départs.

Des diplômés, des familles entières, des jeunes désœuvrés, tous choisissent l’exil malgré les dangers. Dans un contexte de répression politique grandissante, où les voix dissidentes sont étouffées, l’exil devient pour beaucoup la seule solution. Ce phénomène reflète un malaise profond et structurel qui gangrène la société algérienne : un système verrouillé qui empêche toute évolution sociale ou économique.

Des causes multiples et une réponse insuffisante

Les causes de cette vague migratoire sont multiples. Le chômage, en particulier chez les jeunes, continue de grimper à des niveaux alarmants, tandis que les secteurs clés de l’économie algérienne, autrefois prospères, s’effondrent sous le poids de la mauvaise gestion et de la corruption.

Le Hirak, bien qu’il ait éveillé l’espoir d’un changement, n’a laissé que des désillusions après sa suppression. Le gouvernement, plutôt que d’apporter des réponses à la hauteur des attentes, a renforcé son autorité et muselé toute forme de contestation.

Face à cette crise, l’Europe, et particulièrement l’Espagne, tente de renforcer ses dispositifs de contrôle, mais ces efforts restent largement insuffisants. L’absence d’accord de rapatriement entre Alger et Madrid complique la gestion de ces flux migratoires. Une fois arrivés en Espagne, la plupart des migrants algériens échappent à tout contrôle, alimentant ainsi un flux migratoire quasi incontrôlable vers d’autres pays européens, notamment la France.

Jeunesse en quête de dignité

En fin de compte, la route migratoire algérienne symbolise le désespoir d’une jeunesse qui refuse de voir son avenir confisqué par un régime sclérosé. Chaque “patera“ qui quitte les côtes algériennes est le témoignage d’un échec collectif : celui d’un État incapable de répondre aux besoins de sa population, et d’une communauté internationale qui peine à proposer des solutions efficaces.

Tant que les causes profondes ne seront pas adressées — chômage de masse, absence de libertés, répression politique — les départs continueront, et la Méditerranée restera le théâtre de drames humains insoutenables. Pour cette jeunesse désillusionnée, l’exil est devenu un acte de survie, un dernier espoir face à un avenir qu’on leur refuse.

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