VIBRANT HOMMAGE AU CINéASTE MILITANT

L'initiative citoyenne vient d'une jeune et dynamique association «Horizons» et elle est à saluer tant elle ne ménage aucun effort depuis sa création pour préserver et promouvoir la culture.

Par Ali Lebdjaoui

La ville d'Ighzer Amokrane perpétue la tradition de commémorer chaque année la date anniversaire de la disparition du cinéaste militant, originaire de cette région historique qui a abrité le congrès de la Soummam en 1956 et où la préparation s'est tenue dans la maison familiale des Bouguermouh. L'initiative citoyenne vient d'une jeune et dynamique association «Horizons» et elle est à saluer tant elle ne ménage aucun effort depuis sa création pour préserver et promouvoir la culture et la tradition comme elle le démontre avec la célébration de Yennayer et son riche programme et tant d'autres activités culturelles. C'est vers 10 heures, vendredi dernier, 03 février que la population, les admirateurs du cinéaste et sa famille se sont donné rendez-vous à la bibliothèque de la ville où tout ce beau monde a pu admirer l'exposition consacrée au parcours artistique d'Abderrahmane Bouguermouh. Ce fut ensuite le tour d'une lente procession de cette foule silencieuse vers le cimetière.

Une fois arrivée, la cérémonie de recueillement a débuté et une minute de silence fut observée avant qu'un imam ne récite la Fatiha. Djamila, Mme Bouguermouh ainsi que quelques personnalités de la ville et du monde artistique prennent la parole pour évoquer avec émotion la vie et l'oeuvre du défunt, le pionnier du cinéma amazigh.

Vers une heure de l'après-midi, un couscous est partagé dans la convivialité et sera suivi par une incursion au village qui abrite la maison natale des Bouguermouh, près d'Ifri, lieu du congrès de la Soummam. Vers 16 heures, retour à la bibliothèque pour la conférence de presse organisée en hommage à Bouguermouh avec l'écrivain et journaliste Omar Zirem, Abdelkrim Tazaroute, auteur d'un ouvrage intitulé: «Cinéma algérien et guerre de libération, l'image du héros». Mme Djamila Bouguermouh est intervenue à la fin pour remercier l'association Horizons et les présents et exprimer sa satisfaction devant la qualité des intervenants affirmant même qu'elle a appris des choses sur son défunt mari qu'elle ne connaissait pas.

Zirem a longtemps côtoyé Bouguermouh d'abord en tant que journaliste avant de lier amitié avec le cinéaste. Le conférencier a parlé du cinéaste et de son engagement, mais aussi de sa témérité en précisant qu'Abderrahmane a été maintes fois menacé, mais qu'il n'a jamais cessé de combattre et de défendre la culture et la langue amazighes. Il mentionnera aussi qu'il a en sa possession un entretien long de 4 heures, un enregistrement filmé par ses soins. Zirem parle avec passion de cet immense artiste et donnera moult détails sur le parcours militant de Bouguermouh. Pour sa part, le journaliste et écrivain Abdelkrim Tazaroute cernera le parcours de Bouguermouh avec comme début, le serment fait à Mouloud Mammeri d'adapter à l'écran, son livre «La Colline oubliée». Depuis pratiquement et hormis la période de ses études cinématographiques à l'Idhec, c'est le début de tant de péripéties et d'aléas qui ont empoisonné sa vie d'intellectuel, d'artiste et de créateur.

Il a réussi à tourner son premier film en 1965 un moyen-métrage «Comme une âme», en tamazight et provoquera le courroux de sa tutelle qui lui propose de le doubler en arabe. Abderrahmane opposera un niet catégorique et le film sera détruit.

Aujourd'hui, il n'y a aucune trace de cette oeuvre notera le conférencier. Pour ce dernier, Bouguermouh ne se décourage pas fera l'assistanat et participera au tournage de «Chronique des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina, Palme d'or, en 1975 au festival de Cannes. Puis en défenseur des langues populaires et des dialectes, il rend hommage à sa ville d'adoption, Sétif avec l'émouvant «Kahla Ou Beida». Au milieu des années 80, c'est dans le pays des Chaouïa qu'il plantera le décor de son film «Cri de pierres» peu connu parce que mal distribué souligne Tazaroute qui parlera de l'homme qu'il a connu à Tlemcen lors du festival du film amazigh. Il a admiré l'humilité et la modestie d'Abderrahmane Bouguermouh, et a apprécié la complicité du couple qu'il formait avec sa femme Djamila où tout l'amour est évoqué avec le langage des yeux comme pour s'inscrire dans la modernité sans bousculer la tradition. Le nombreux public qui a assisté à cette conférence a posé énormément de questions et les deux conférenciers ont répondu à leurs interrogations.

Cet hommage rendu chaque année au pionnier du cinéma amazigh, s'est clôturé avec la vente-dédicaces du dernier ouvrage d'Abdelkrim Tazaroute sur le cinéma algérien et la guerre de libération.

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